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ALIMENTATION EN EAU POTABLE
6 juillet 2020

10 - Prix de l'eau au Luxembourg : le principe de récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau

1. Introduction

1.1. Cadre légal

La directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Elle a comme objectif principal l’atteinte, à l’horizon 2015, du bon état des eaux de surface et du bon état quantitatif et chimique des eaux souterraines.

Cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par la loi du 19 décembre 2008 relative à l'eau.

En vue de la réalisation de leurs objectifs environnementaux, tant la directive européenne que la loi relative à l’eau font appel au principe de récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau (« Kostendeckungsprinzip »).

1.2. Rôle des communes

Le principe luxembourgeois de l’autonomie communale implique que les infrastructures d’approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux urbaines résiduaires relèvent de la responsabilité exclusive des communes, avec toutes les obligations que cela comporte. Il est donc logique que le calcul du coût de revient de l’eau se fait au niveau communal, mais selon une méthode harmonisée basée sur les dispositions des articles 12 à 17 de la loi.

2. Les nouvelles règles en matière du prix de l’eau

2.1. Le principe de causalité

L’objectif de la méthode de détermination du coût de l’eau telle qu’elle résulte de la loi est le développement durable des services de l’eau. Ainsi ces services sont rémunérés à leur juste valeur, ce qui inclut tous les coûts environnementaux et monétaires engendrés par l’utilisation des services du cycle urbain de l’eau.

A cette fin, la nouvelle tarification applique le principe de causalitéVerursacherprinzip ») dans les secteurs de l'approvisionnement en eau potable (principe de l'utilisateur-payeur) et de l’assainissement des eaux usées (principe du pollueur-payeur). Le principe de récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau ne constitue donc pas une fin en soi, mais un moyen pour atteindre les objectifs environnementaux de la directive européenne.

2.2. Les taxes

La nouvelle loi introduit une taxe sur le prélèvement des eaux souterraines ou de surface et une taxe sur le rejet des eaux usées, épurées ou non, en fonction du degré de leur pollution. Ces taxes sont affectées à la mise en œuvre des mesures nécessaires pour protéger les ressources en eau potable (pour éviter que la dégradation du milieu naturel entraîne une augmentation substantielle du coût du traitement de l'eau) et pour améliorer la capacité d'autoépuration des cours d'eau récepteurs (pour contrer la dégradation du milieu aquatique par le rejet des effluents urbains) ainsi qu’au financement du premier investissement en matière d’assainissement.

2.3. Les eaux de ruissellement

Les charges liées au déversement des eaux de ruissellement issues de la voirie publique dans le réseau de collecte sont exclues du calcul du coût de revient de l’eau : Dans le cas de collecteurs d'eaux mixtes, le schéma de calcul ne tient compte que d’un collecteur fictif DN300 en béton armé indépendamment du diamètre – supérieur – du collecteur en place. De même, les infrastructures de rétention (conduites et bassins de rétention enterrés ou à ciel ouvert) ne sont pas pris en compte. Ces charges sont supportées par l’entité responsable de ces infrastructures publiques, à savoir la commune ou l’Etat, et ne sont pas répercutées sur le consommateur final de l'eau.

Dans le même ordre d'idées, toute personne qui procède au déversement d’eaux de ruissellement issues de surfaces privées dans le réseau de collecte public peut être assujettie à une taxe d’imperméabilisation des sols. A défaut d'une telle taxe, les frais y relatifs sont supportés par les communes.

2.4. Conséquences financières de la tarification actuelle

A partir du 1er janvier 2010, le prix de l’eau résulte de la somme des coûts de conception, de construction, d’exploitation, d’entretien et de maintenance induits par les services du cycle urbain de l’eau (coûts directs et indirects).

Alors que la loi affirme le principe de la récupération des coûts, il faut se rendre à l’évidence que le prix de vente de l’eau pratiqué par le passé par les communes ne correspondait pas nécessairement à son coût de revient. Ainsi le prix facturé n’avait, dans bien des cas, pas tenu compte des coûts véritables du service fourni, et notamment de l’amortissement des infrastructures, et avait des fois été fixé sur base de considérations politiques. Ce comportement peut être expliqué par le fait que les communes, soucieuses de l'autonomie qui leur est accordée, ne se sentaient pas obligées de rentabiliser leurs services d'eau. Les coûts d’amortissement n’avaient donc pas été facturés au consommateur.

Ces communes avaient délibérément subventionné le prix de l’eau par le biais de leurs revenus non affectés (ICC et FCDF). A moyen terme, les moyens – manquants – relatifs au renouvellement courant des infrastructures devront donc être prélevés sur le budget communal. Au niveau syndical, le manque de moyens financiers devra être compensé par un apport en capital de la part des communes-membres, conformément aux règles définies dans la loi sur les syndicats de communes.

3. Les composantes du coût de l’eau

3.1. Coût complet

Le coût complet des services liés à l’utilisation de l’eau inclut :

  • les coûts pour les ressources (taxe de prélèvement),
  • les coûts pour l’environnement (taxe de rejet),
  • les coûts de fonctionnement (charges d’exploitation et d’entretien inscrites au budget ordinaire),
  • les charges d’amortissement établies sur base du coût de renouvellement des investissements (charges de renouvellement théoriques).

La notion de coûts complets exige que soit tenu compte non seulement des charges directes, c'est-à-dire directement en relation avec l’eau, mais également des charges indirectes qui résultent notamment de la prise en compte d’une partie des services généraux de la commune.

3.1.1. Les charges directes

Les charges directes sont celles qui sont directement affectables aux services de l’eau : achat d’eau (si c’est le cas), charges des services spécifiques de la commune (services d'exploitation, d'entretien et de maintenance des infrastructures), taxes, etc.

En ce qui concerne les frais directs des eaux usées, il y a lieu de relever la différence de traitement (pour les communes faisant partie d’un syndicat de dépollution des eaux usées) entre les « apports en capital » et les « frais d’épuration ». De par leur nature, les apports en capital ne doivent pas être imputés aux frais directs. Ces débours restent sans incidence sur le coût de revient.

3.1.2. Les charges indirectes

La notion de coût complet fait intégrer une partie appropriée de charges indirectes au coût de l’eau : il en va ainsi d’une partie des charges des services techniques généraux de la commune dans la mesure où ils interviennent sur l’infrastructure de l’eau ainsi que des services administratifs en charge de la facturation et du recouvrement. Les frais indirects ne pouvant pas être repris tels quels du budget communal, il convient d’abord d’en identifier la nature et ensuite de les « proratiser » par rapport à leur utilisation par les services de l’eau.

Pour que les frais indirects soient le plus précis possible, il est important que les clés de répartition reflètent de façon fidèle la part des charges à imputer aux services de l’eau. La détermination de cette quote-part doit se faire sur base d’une analyse historique, statistique ou technique, et non de manière forfaitaire et globale.

3.2. L’amortissement au coût de remplacement estimé

3.2.1. Origine de la nécessité

Les amortissements qui sont mis en compte dans le calcul du coût de l’eau servent, sur l’ensemble des années de fonctionnement, à dégager les ressources financières susceptibles d’assurer le renouvellement des infrastructures (remplacement ou réhabilitation).

La double contrainte de qualité et de fiabilité des services d’eau et les délais de renouvellement très longs de certains ouvrages, en particulier souterrains, ont pour conséquence que l’amortissement basé sur le coût historique, c’est-à-dire le montant initialement investi, est inapproprié. En effet, le renchérissement du coût de la vie, l’évolution de la technique et l’accroissement de la population font que l’amortissement au coût historique est insuffisant pour assurer le renouvellement d’un ouvrage à l’issue de sa durée de vie utile. La pérennité des infrastructures se trouverait ainsi compromise, faute de moyens suffisants pour financer son remplacement.

3.2.2. Base d’estimation des coûts de renouvellement : « Wiederbeschaffungskosten »

Les ressources financières nécessaires au renouvellement des infrastructures (« Instandhaltungskosten ») sont estimée pour une année donnée, à travers le besoin théorique de renouvellement des investissements nécessaires pour éviter une chute de la valeur de l’immobilisé, sur base :

  • de l’étendue et la composition du patrimoine immobilisé de l’opérateur,
  • du coût unitaire actuel associé à chaque type d’installation ou chaque grandeur caractéristique de ce patrimoine,
  • d’une hypothèse de durée de vie moyenne par type d’équipement.

Les valeurs unitaires à la base de ce calcul correspondent aux coûts de remplacement moyens (« Wiederbeschaffungskosten »), sans déduction de la dépréciation pour vétusté et obsolescence. Bien au contraire, les coûts de remplacement doivent tenir compte de l'évolution de l'indice des prix de la construction émis par le Service central de la statistique et des études économiques luxembourgeois (www.statec.lu), de l’évolution technique ainsi que des exigences minima prévues par la réglementation en vigueur.

3.2.3. Intégration des frais d’études accessoires

En outre, ces coûts doivent inclure les frais occasionnés par les études relatives aux travaux de construction (taux de 12% recommandé).

3.2.4. « Sollwert »

Les valeurs unitaires moyennes de même que les durées de vie utiles moyennes de chaque type d’installation ont été alignées sur le comportement technico-économique approprié en matière d'investissement durable (« Sollwert »).

Au final, le coût d'amortissement d'un ouvrage correspond au coût annuel moyen de remplacement, calculé en fonction de sa durée de vie utile pondérée (taux d'amortissement).

3.2.5. « Istwert »

Les masses financières récupérées par la facturation du coût de revient sont allouées au renouvellement courant des infrastructures d'eau. Or, la comptabilité communale est basée sur le principe de la non-affectation des recettes (principe de l'unicité de caisse) : l'ensemble des recettes doit servir à payer l'ensemble des dépenses inscrites au budget communal. Les recettes provenant de la vente de l'eau ne sont, au cours d'une même année budgétaire, pas directement affectées à des dépenses déterminées du secteur de l'eau, mais constituent des provisions pour travaux futurs.

En effet, le principe de récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau est basé sur l'idée que l'approvisionnement en eau potable et l'évacuation et la dépollution des eaux résiduaires sont des opérations neutres pour les budgets communaux. Aussi les autorités communales doivent-elles garantir que l'effort de renouvellement à moyen terme du patrimoine correspond à la perte de valeur (amortissement) des infrastructures (risque de « désinvestissement »). Il est évident que pour une infrastructure aussi complexe que celle du cycle urbain de l'eau, les dépenses liées aux efforts de renouvellement de ce vaste patrimoine sont soumises à des variations périodiques. De ce fait, les communes doivent concevoir leur politique budgétaire durable dans une optique pluriannuelle en équilibrant les éventuels excédents avec les besoins de financement futurs.

Les charges d’amortissements théoriques prises en compte pour le calcul du coût de revient de l’eau sont, donc, confrontées au niveau réel des investissements annuels en renouvellement inscrits au budget extraordinaire de la comptabilité communale (« Istwert »). Les charges réelles du budget extraordinaire ne doivent pas être prises en compte pour le calcul du coût de l’eau (double emploi !). En d'autres termes : ce n'est pas le coût du premier investissement qui entre en compte dans le calcul du coût de l'eau, mais le coût annuel moyen de remplacement de cet ouvrage nouvellement construit.

Notons dans ce contexte que les communes ont l’obligation d’élaborer un dossier technique dans les domaines de l’assainissement et de l’approvisionnement en eau potable. Ces dossiers, qui définissent les lignes directrices à suivre lors de la planification, de la construction, de l’exploitation des infrastructures, ainsi que de leur modernisation et remise en état, fournissent les données de base nécessaires à l’établissement d’un programme de (ré)-investissement.

3.2.6. Distinction entre travaux de maintenance et travaux d'entretien

Dans ce contexte, il faut faire une distinction entre travaux de maintenance et travaux d'entretien inscrits au budget communal, les premiers majoritairement au budget extraordinaire, les seconds exclusivement au budget ordinaire.

Les travaux de maintenance Instandhaltung ») consistent à maintenir les infrastructures à l'état de la techniqueStand der Technik »), soit en remplaçant l'ouvrage par un nouvel élément après que sa durée utile est atteinte (notamment les tubes et les accessoires enterrés), soit en le soumettant au cours de son cycle de vie à différents travaux de réhabilitation. Ces derniers améliorent l’état des différents éléments constitutifs ayant une durée utile limitée (équipements électromécaniques, revêtement des surfaces en contact avec l’eau, etc.) dans le but de prolonger la durée utile de l’ouvrage dans son ensemble (les constructions d’envergure, et les réservoirs de stockage et les stations d'épuration en particulier). Ces deux approches consistent à disposer d’un ouvrage qui assure les mêmes fonctions que celles de l’ouvrage d’origine tout en apportant les garanties de durée utile d’un ouvrage neuf (= renouvellement).

En revanche, les travaux d'entretienUnterhalt ») consistent à réparer les ouvrages sans pour autant disposer de ces mêmes garanties de qualité et de longévité (travaux de réparation de fuites p.ex.), ou à les entretenir (travaux de nettoyage p.ex.).

Rappelons que les charges des travaux de maintenance inscrits au budget communal – de même que, d'ailleurs, tout premier investissement – ne sont pas imputées aux coûts de l'eau.

3.2.7. Limite de responsabilité entre communes et syndicats

Pour éviter que les mêmes infrastructures soient prises en compte à la fois au niveau de la commune et au niveau du syndicat, il importe aussi bien de fixer de manière exacte la limite entre le réseau de la commune et le réseau du syndicat que de régler éventuellement la question de la propriété des infrastructures.

3.3. Anticipation des besoins futurs

Le surdimensionnement des infrastructures pour les besoins futurs en capacité d’approvisionnement et d’assainissement est supporté par le consommateur final. L’analyse des infrastructures d’eau montre toutefois que la prise en compte des exigences futures n’a qu’une répercussion marginale sur le coût de revient et que les surcapacités mises en place ne sont - pour la grande majorité - pas surévaluées par rapport aux besoins escomptés. Dans le contexte actuel de l’accroissement démographique, les autorités communales sont amenées à tenir compte de l’augmentation future de la consommation en eau afin d’assurer la fiabilité et la sécurité du service offert au consommateur.

3.4. Traitement des cofinancements de l’Etat

Afin de pouvoir déterminer le coût de revient de l’eau, les ouvrages cofinancés par l’Etat doivent être amortis à 100%, quelque fût le taux de subvention initialement accordé aux communes.

En effet, les aides financières que l’Etat alloue dans le domaine de l’eau sont considérées comme des dotations à l’équipement communal et non des subsides à l’investissement. Raison pour laquelle cette aide financière ne se pratique que lorsqu’une commune ou un syndicat de communes procède au financement d’un premier investissement.

En revanche, l’investissement de remplacement est intégralement à charge de l’opérateur (commune ou syndicat de communes). Si une commune ou un syndicat de communes ne dispose pas de liquidités financières suffisantes pour procéder au financement de ses investissements de remplacement, il faut que les communes fassent des apports en capital à leur syndicat respectivement mettent obligatoirement les moyens financiers à disposition de leurs services d’eau.

Au niveau du budget syndical, cet apport en capital équivaut aux dépenses extraordinaires. Or, les syndicats ne font aucune distinction entre :
- les travaux de renouvellement (financés par le biais du prix de l'eau),
- les investissements premiers (acquisition de nouvelles infrastructures subventionnés à raison de 90 resp. 75% par l'Etat).

A l'heure actuelle, les syndicats ne transmettent que 10% des coûts d'amortissement à leurs membres. Conformément à la directive européenne, les syndicats devront toutefois transmettre la totalité des coûts d'amortissement aux communes membres, ce qui conduit à une augmentation des coûts facturés aux communes et, en fin de compte, à une augmentation de 20 à 25% du coût final de l'eau usée.

En revanche, les communes, par le biais du tableur de calcul du coût de l'eau usée, amortissement 100% de leurs infrastructures.

Les ressources financières propres des communes proviennent de taxes extraordinaires (à l’équipement) respectivement d’excédents budgétaires ainsi que de l’apport des infrastructures des lotissements.

Notons dans ce contexte que la diminution du taux de subventionnement dans le cadre des mesures de lutte contre la crise, de 90 à 75%, n'a aucune répercussion sur le calcul du prix de l'eau.

3.5. Les charges de financement des investissements

A l’instar de ce qui se fait dans le privé, les charges générées par un investissement ne comprennent pas seulement l’amortissement, mais également les frais financiers associés aux moyens financiers mis en œuvre pour réaliser ledit investissement.

A ce sujet, il est convenu que le taux d’intérêt qui est mis en compte pour tenir compte de cet élément du coût est de 0%. Ceci s’applique autant sur les dettes contractées pour financer l’investissement que sur les moyens propres utilisés à ces mêmes fins.

3.6. Les taxes

Le coût complet des services liés à l’utilisation de l’eau inclut également :

  • les coûts pour les ressources (taxe de prélèvement « Wasserentnahmeentgelt »),
  • les coûts pour l’environnement (taxe de rejet « Einleitgebühr »).

3.6.1. Bénéficiaire des taxes

Ces taxes alimentent le budget du Fonds pour la gestion de l'eau.

3.6.2. Les objectifs environnementaux

Le budget du Fonds est affecté à la mise en œuvre des mesures nécessaires pour protéger les ressources en eau potable et pour améliorer la capacité d'autoépuration des cours d'eau récepteurs. En vue d’atteindre une situation d’assainissement conforme aux obligations légales, une partie des taxes sera également employé au subventionnement du premier investissement en matière d’assainissement (travaux d'extension et de remise aux normes).

A terme, le Fonds pour la gestion de l'eau permettra d’aider les communes à atteindre les objectifs environnementaux de la directive.

3.6.3. La taxe de prélèvement

Le prélèvement dans une eau de surface ou souterraine est soumis à une taxe de prélèvement, assise sur le volume d’eau prélevé. Le volume prélevé est déterminé au moyen d’un compteur mise en place par l’utilisateur.

La loi a fixé la taxe à 0,10 € par m3.

La taxe de prélèvement est comptabilisée en tant que frais de production (frais de fonctionnement) et fait partie intégrante du coût de l'approvisionnement en eau.

Quiconque prélève de l'eau est soumis à l’obligation de déclaration conformément à l’article 17 de la loi.

3.6.4. La taxe de rejet

De même, le déversement des eaux usées, épurées ou non, dans les eaux de surface ou souterraines est soumis à une taxe de rejet, fixée en fonction du degré de pollution et de nocivité des eaux rejetées.

La taxe est calculée sur base du rapport entre la somme des unités de charge polluante au niveau nationale et le volume d’eau total distribué par les réseaux de distribution publics, majoré, le cas échéant, par le volume d’eau prélevé en dehors du réseau de distribution public.

La taxe de rejet est intégrée dans la facture que les communes adressent au consommateur final.

Les utilisateurs qui prélèvent de l’eau en dehors du réseau de distribution publique sont soumis à l’obligation de déclaration de l’article 17 de la loi.

3.7. Comptage de la consommation publique

Conformément à la circulaire ministérielle No 1842 du 17 avril 1996, les locaux publics (bâtiments administratifs, services techniques, établissements d’enseignement, parcs publics, installations culturelles et sportives) doivent impérativement être équipés de compteurs afin d’éviter que leur consommation d’eau ne soit comptabilisée comme perte d’eau et facturée indûment aux consommateurs privés par le biais des frais de fonctionnement.

3.8. Ressources d'approvisionnement privées en eau

L’article 14 précise que le prix variable de l’eau usée déversée dans le réseau d’égout est proportionnel au volume d’eau provenant de la distribution publique prélevée par l’utilisateur ou déterminée à l’aide d’un dispositif de comptage. L’administration communale peut donc exiger de la part des consommateurs exploitant une ressource privée de compter les volumes d’eau prélevés pour les soumettre à facturation. Le règlement communal doit faire obligation aux abonnés qui s'alimentent en eau, totalement ou partiellement, à une source ou un puits qui ne relève pas d'un service public d'en faire déclaration à l'administration communale.

A défaut de dispositifs de comptage, le règlement des tarifs pourra appliquer une redevance sur base du volume consommé par un ménage de profil équivalent : nombre de personnes, type d'habitat (appartement ou maison).

En revanche, l'utilisation des eaux de pluie est exempte de facturation.

3.9. Volumes d'eau non comptabilisés

Les volumes d'eau distribués et non comptabilisés augmentent le coût de revient de l'eau potable, un surcoût dès fois considérable à supporter par le consommateur final si l'eau est achetée à prix fort auprès d'un syndicat régional :

  • Fuites techniques ou diffuses sur conduite dues au nombre élevé de joints, d'appareils de robinetterie et de branchements des conduites secondaires et des raccordements particuliers : un taux de 5% est généralement considéré comme inévitable ; ces pertes sont une composante inhérente aux frais de fonctionnement de l'opérateur.
  • Fuites d'eau dues à la dégradation avancée du réseau : ces pertes reflètent la qualité du service que l'opérateur offre à ces consommateurs et sont, dès lors, une composante inhérente au coût de revient de l'eau.
  • Absence de comptage des volumes d'eau consommés par les services publics : les locaux publics doivent impérativement être équipés de compteurs afin d’éviter que leur consommation d’eau ne soit comptabilisée comme perte d’eau et facturée indûment aux abonnés.
  • Absence de comptage du raccordement temporaire pour l'alimentation d'eau d'un chantier.
  • Défaut de comptage au niveau de la production, du stockage et de la distribution individuelle.
  • Volumes utilisés pour les besoins de l'exploitation du réseau : nettoyage des réservoirs, rinçage des conduites, purge du réseau ; ces prélèvements sont une composante inhérente aux frais de fonctionnement.
  • Prélèvements des services d'incendie et de secours estimés à 1% du volume total distribué.
  • Volumes détournés : branchements illicites ou inconnus des services d'eau, utilisation abusive d'hydrants.

En tout et pour tout, un taux maximal des volumes non comptabilisés de 10% doit être la règle pour une infrastructure d'approvisionnement communale en bon état.

4. Détermination du prix de l’eau

4.1. Composition du « prix de l’eau »

Le « prix de l’eau » est à considérer comme la somme des composantes de recettes en provenance de la vente d’eau et des services accessoires.

4.2. L'égalité coût = prix

Le prix de l'eau est un acte de prévision. Le principe de la récupération des coûts implique que les rentrées en provenance des services de la vente de l’eau sont égales à la somme de charges estimées de la même année budgétaire. La prévision joue, donc, autant pour les recettes que pour les dépenses.

4.3. Une facturation à deux composantes

Pour reproduire au mieux la structure des coûts, la nouvelle tarification applique la facturation binôme. Ainsi les redevances « eau potable » et « assainissement » se composent d’une part fixe et d’une part variable.

Cette articulation entre la part fixe et la part variable du prix de l'eau est un moyen équitable pour encourager les économies d’eau tout en ne pénalisant pas outre mesure les différents groupes de consommateurs.

4.3.1. La part fixe

La part fixe est proportionnelle au diamètre nominal du compteur pour l'eau consommée (les compteurs combinés sont facturés comme deux compteurs individuels) et au nombre d’équivalents habitants moyens annuels attribués au consommateur, le cas échéant après prétraitement sur site (c'est-à-dire proportionnelle aux capacités d’approvisionnement et de traitement fournis par l’opérateur).

A ce propos, il faut rappeler que les infrastructures d’approvisionnement en eau potable sont dimensionnées en fonction des pointes de consommations quotidiennes. Les charges fixes liées à ces infrastructures, largement indépendantes de la consommation moyenne, sont sensiblement proportionnelles à la consommation de pointe, c’est-à-dire aux capacités d’approvisionnement réservées par les consommateurs. Ainsi la nouvelle tarification intègre cette part de charges fixes sous forme d’une redevance de base fixe proportionnelle au diamètre nominal du compteur.

4.3.2. La part variable

La part variable est proportionnelle au volume d’eau consommé ou déversé, étant entendu que le volume d’eau consommé n’est pas nécessairement égal au volume d’eau déversé dans le réseau de collecte des eaux usées.

4.4. Une répartition des consommateurs en 3 catégories

Les schémas de tarification sont décomposés pour les différents secteurs économiques, en distinguant le secteur des ménages, le secteur industriel (« Grossverbraucher » / « Starkverschmutzer ») et le secteur agricole.

Cette distinction repose sur la volonté de tenir compte des coûts spécifiques que génèrent les activités de ces secteurs. Ainsi, dans l’absolu, l’approvisionnement en eau potable des grands consommateurs et la collecte de leurs eaux usées (limite hydraulique définie par la loi : Q > 10 m3/h ou 50 m3/jour ou 8.000 m3/an ou dont la charge polluante excède 300 équivalents habitants moyens) nécessite des investissements certes considérables (coûts d'amortissement fixes ≈ part fixe), mais ce secteur engendre, ramenés au mètre cube d’eau livré, des coûts de fonctionnement (coûts variables ≈ part variable) moins importants que les innombrables consommateurs particuliers.

Relevant intégralement de l’autonomie communale, la tarification adéquate peut varier d’une commune à l’autre (commune urbaine, commune rurale) et ce en fonction notamment des profils des schémas de consommations locales.

Ainsi une commune urbaine avec beaucoup de consommateurs réguliers peut facilement récupérer les frais par une tarification essentiellement axée sur la consommation (part variable) alors qu’une commune rurale avec beaucoup de raccordements et peu de consommation de base devra axer la tarification plutôt sur la capacité d’approvisionnement et de traitement réservée par les consommateurs (part fixe). Dans tous les cas, il faut veiller à ce que le tarif incite à économiser l’eau.

Notons que le schéma de tarification préconisé par l'Administration de la gestion de l'eau représente une approche modérée et équitable pour le secteur des PME et de l'industrie :

Dans le secteur des ménages auquel appartiennent les PME, 20% du coût de l'eau sont répercutés sur la part fixe du prix de l'eau, les 80% restants sur la part variable proportionnelle au volume d'eau consommé. Dans le secteur industriel, l'introduction d'une part fixe conséquente à hauteur de 70% des coûts ne joue, en principe, en défaveur des activités qui ont besoin de plus larges quantités d'eau potable. Enfin, au niveau de la redevance assainissement du secteur des ménages, l'unité de calcul de la part fixe, i.e. les charges polluantes moyennes annuelles attribuées à chaque consommateur, tient compte d'un facteur de réduction de la charge polluante pour les consommateurs présentant des variations saisonnières (piscines, hôtels, campings).

Reste à noter que l'approche préconisée applique le principe de la récupération globale des coûts, c'est-à-dire parmi tous les consommateurs et non pas au sein de chaque secteur séparément. Tout avantage accordé à un secteur particulier devrait automatiquement être répercuté en surcoût sur les deux autres.

4.5. Période de référence pour l’égalisation

En pratique, il n’est guère envisageable que les différents tarifs et les quantités vendues aux consommateurs feront que l’équation « charges = recettes » soit atteinte. Comme autant les charges, les investissements et les volumes sont estimés à l’avance il est en effet guère possible que par le plus pur des hasards, la réalité comptable permettra de trouver spontanément l’équilibre.

Par ailleurs la fluctuation des investissements surtout lorsqu’il s’agit de faire des investissements d’urgence sont susceptibles d’entraîner de fortes variations dans les coûts de revient de l’eau.

Aussi est-il préconisé de se fixer une période de trois ans pour rechercher les équilibres. En d’autres termes, les charges et les recettes sont observées sur une période de 3 ans avant que les prix soient ajustés par rapport aux observations effectuées et les nouvelles projections fixées.

4.6. Branchements particuliers

Les recettes provenant de la facturation de l’amortissement servent également à financer les frais occasionnés par la maintenance et le renouvellement courants des branchements particuliers, y compris le remplacement des compteurs. En application de ce principe, les travaux de réparation, de réhabilitation ou de remplacement des branchements vétustes ou inadaptés ne peuvent être mis à la charge des propriétaires, mais sont à charge de l'opérateur, à l’exception bien évidemment des modifications demandées par l’abonné.

En revanche, tout nouveau raccordement est à considérer comme un investissement premier et doit être facturé (de préférence forfaitairement) à l’abonné.

Dans la foulée de l’instauration de la nouvelle politique tarifaire de l'eau, les règlements communaux de fourniture d’eau sont tenus d’adopter ce mode de financement des branchements particuliers, conformément à l'article 24 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain. Par souci de commodité, il est recommandé d'inclure la tarification de ces branchements au règlement des tarifs d'eau.

Dans le contexte des branchements particuliers, mentionnons que les exploitations agricoles contiguës aux maisons d'habitation font en principe l'objet d'une tarification adaptée.

4.7. Autres sources de recettes

Dans certaines circonstances et lorsque l’intérêt est clairement défini et les dotations budgétaires spécifiques prévues, il est envisageable que l’Etat puisse contribuer financièrement à l’un ou l’autre investissement ou mission d’intérêt public de niveau national.

Rappelons que de telles contributions éventuelles doivent être considérées comme non forcément perpétuelles ; l’amortissement en vue du renouvellement de tels investissements rentrera dès lors intégralement dans le coût de revient de l’eau.

4.8. Composantes sociales en rapport avec le prix de l’eau

Si la commune considère que le prix de l’eau mis en compte pour certains ménages à faible revenu risque de peser trop sur leurs budgets, il y a lieu d’envisager des mesures sur le plan de :

  • l'articulation part fixe / part variable du prix de l’eau, favorisant notamment les familles nombreuses p.ex.,
  • la mise en œuvre de mesures prévues dans l’avant-projet de loi organisant l’aide sociale des ménages défavorisés,
  • l'instauration d’une allocation compensatoire pour taxes communales.

Ces mesures sont en tout cas préférables à la fixation d’un prix de l’eau « social » et qui serait contraire au principe de la récupération des coûts.

5. Disparités au niveau des coûts de l’eau

La distribution d’eau et la collecte des eaux usées sont organisés au niveau communal, le coût de revient de l'eau présente donc des différences d'une commune à l’autre et appelle d’ailleurs la fixation et l’application d’une méthode harmonisée basée sur les dispositions des articles 12 à 17 de la loi.

Ces différences s’expliquent essentiellement par les deux facteurs suivants :

  1. les frais du personnel administratif et technique de l'opérateur,
  2. les charges d'amortissement et de maintenance des infrastructures.

5.1. Efficacité de la gestion au niveau des communes et des syndicats

La mise en œuvre du principe de la récupération des coûts (« Kostendeckendungsprinzip ») entraîne nécessairement un prix de l’eau plus élevé.

Une des sources de coûts provient de l’efficacité et de l’efficience dans la gestion des services des communes et des syndicats, soit que l’affectation du personnel et des investissements est sous-optimale, soit que la – petite – taille de la commune ne permet guère l’efficacité au niveau de la gestion technique, faute de pouvoir bénéficier d’une certaine masse critique pour la réalisation de certains services.

5.2. Existence de rentes de situations

La situation géographique dont peut profiter l’une ou l’autre commune lui permet d’être privilégiée ou non vis-à-vis de certains éléments de coûts de l’eau : il est évident qu’en zone rurale la longueur du réseau nécessaire au raccordement d’une population éparse est proportionnellement supérieure à la longueur du réseau au service d’une population agglomérée, où le coût des opérations, élevé en apparence, se répartit forcément sur une population importante et concentrée. En revanche, les frais de fonctionnement de la structure administrative et technique ne dépendent que marginalement de ces mêmes conditions géographiques.

L'analyse de cas spécifiques dans le secteur de l'eau potable laisse apparaître que le coût de revient baisse avec le nombre croissant d'habitants. Néanmoins, au-delà d'une « densité critique », le coût de l'eau potable recommence à augmenter. Deux facteurs peuvent expliquer cette constatation :

  1. Le ratio de longueur du réseau par habitant diminue en fonction de la densité de la population ; cette diminution est toutefois moins prononcée dans les zones urbanisées.
  2. Le coût du réseau augmente continuellement avec la densité de l'urbanisation.

Au-delà d'une « densité critique », l'augmentation constante des coûts du réseau l'emporte sur la diminution du ratio de longueur du réseau de distribution, entraînant une légère inflexion de la courbe du coût de revient. Il convient cependant de souligner que le coût de l'eau potable ne dépend qu'à hauteur de 30% de la longueur du réseau.

Contrairement à une opinion largement répandue, le fait de disposer de ressources propres en eau potable n'apporte pas forcément de retombées tarifaires. En effet, l'exploitation des ressources en eau et le transport des eaux prélevées vers les réservoirs locaux engendrent des coûts non négligeables qui ne peuvent être répartis entre un nombre élevé d'abonnées bénéficiaires.

De surcroît, pour des raisons sécuritaires, les communes dites autonomes, sans approvisionnement d'appoint, doivent exploiter plusieurs systèmes d'approvisionnement afin d’assurer la continuité du service de distribution en cas de panne majeure (pollution bactériologique d'une ressource, défaillance des installations de refoulement). Ces communes disposent d'une capacité de production supérieure aux besoins réels sans pour autant pouvoir partager ces coûts fixes supplémentaires avec d'autres opérateurs. Signalons dans ce contexte que les interconnexions entre réseaux voisins représentent une bien meilleure formule d’alimentation de secours.

En revanche, les opérateurs syndiqués disposent d'un service d'approvisionnement efficace (la capacité de production est adaptée aux besoins des communes bénéficiaires) et moins coûteux (les charges fixes sont réparties entre un nombre élevé d'usagers).

5.3. L’influence de l’(in)adéquation des investissements existants

Les charges d'amortissement sont le résultat direct des investissements déjà réalisés par les autorités communales et par voie de conséquence de l’état technique de leurs infrastructures et, donc, de la qualité du service que chaque commune souhaite offrir à ses citoyens.

D'un autre côté, il est tout aussi évident qu’un investissement qui ne correspond pas aux besoins techniques (surdimensionnement des ouvrages, dédoublement de la structure administrative et technique, réalisation excessivement luxueuses d'ouvrages à caractère fonctionnel) n’apporte aucun bénéfice en termes de qualité de ce service et se traduit par une augmentation inutile du coût de revient de l’eau et, partant, du prix de l’eau facturé au consommateur. La nouvelle politique tarifaire entend responsabiliser les opérateurs dans leur choix en matière de gestion durable de l'eau.

5.4. Conséquences financières

En ce qui concerne les amortissements des équipements et infrastructures existantes, il faut noter que les recettes générées par la facturation au consommateur de l’amortissement linéaire sur base de l’investissement réalisé, bien qu’exact au niveau comptable, ne permettent pas le financement de l’investissement de remplacement. En conséquence, l’amortissement doit être calculé non pas sur la base du coût historique de l’investissement, mais sur la base de son coût de remplacementWiederbeschaffungskosten »).

Si la comptabilité des communes en tient d’ores et déjà compte, il n’en est pas ainsi de la comptabilité des syndicats de communes, ce qui risque de les conduire à une impasse financière qui les conduira à demander des apports en capital par les communes membres pour pouvoir financer les investissements de remplacement.

La distribution et la collecte des eaux sont des services locaux, leurs prix sont donc établis localement.

La loi dispose cependant que les redevances peuvent être revues à la baisse en tenant compte des conséquences économiques, des exigences environnementales (obligations d’une épuration plus conséquente découlant des stipulations du règlement grand-ducal du 19 mai 2009 déterminant les mesures de protection spéciale et les programmes de surveillance de l'état des eaux de baignade) et des conditions géographiques (p.ex. faible densité de la population en milieu rural) de la région concernée, la différence pouvant être prise en charge par l’Etat.

La prise en charge par l'Etat du surcoût lié aux conditions géographiques doit se fonder sur des critères objectifs non négociables. Différents critères avaient été examinés, comme la densité de la population [hab/km2], la longueur du réseau [m/hab], la densité du réseau [m/km2], la sollicitation du réseau [m3/m], le dénivellement de la commune et le PPRI (le plus petit réseau d'interconnexion). Le PPRI est le plus petit linéaire cumulé de lignes droites reliant les périmètres constructibles des localités (PAG) tout en prenant comme orientation les coordonnées officielles des localités (source : STATEC). Ce réseau d’interconnexion fictif est un critère traduisant en une dimension de longueur objectif l'éparpillement des localités d'une commune.

Finalement, qu'en est-il des coûts d'investissement supplémentaires occasionnés par la mise hors service de ressources locales et de l'augmentation du coût de traitement des eaux en raison de la pollution des eaux due aux activités agricoles ?

5.5. Prix harmonisés ≠ prix unique

Le calcul du coût de revient de l’eau se fait au niveau communal, mais selon une méthode harmonisée (prix unique) basée sur les dispositions des articles 12 à 17 de la loi.

L'introduction d’un prix unique à l’échelle nationale, maintes fois invoquée par les certains opérateurs, diluerait les « mauvais » investisseurs dans la masse des opérateurs irréprochables. L'institution d'un fonds de compensation pourrait inciter certains opérateurs à réaliser des travaux d'infrastructure coûteux et inutiles au détriment de ceux qui sont appelés à alimenter ce fonds et à contribuer ainsi à l'augmentation du coût de revient de l'eau.

De même, la centralisation au niveau national du service de l'eau ne jouerait pas en faveur d'une réduction des coûts d'infrastructure. Les infrastructures, dont l'amortissement (renouvellement courant pour éviter un désinvestissement du patrimoine) représente à lui seul déjà la moitié du coût de revient de l'eau, sont en effet conditionnées par des contraintes liées à la géologie, à la topographie et à l'aménagement du territoire, les considérations administratives n'ayant qu'un rôle secondaire dans la planification de ces infrastructures. Une centralisation au niveau national jouerait en défaveur de l'efficacité du service de l'eau et, donc, des coûts de fonctionnement. Les réseaux de distribution et de collecte des eaux, à l'inverse des (grands) axes de transport de l'énergie électrique et du gaz, sont trop conditionnés par des contraintes locales pour transférer leur gestion à une entité au niveau national.

La facturation du coût de revient réel encourage plutôt les communes à adopter un comportement technico-économique en matière d'investissement durable et à entamer le processus de regroupements (services, ou mêmes communales) pour créer des entités optimisées au niveau intercommunal.

6. La nouvelle maîtrise des coûts et nouvelles exigences pour les communes

6.1. Des charges essentiellement fixes et rigides

L’analyse détaillée des éléments pris en compte pour le calcul du coût de revient de l’eau montre que les coûts se caractérisent par une grande rigidité. Cette rigidité provient du fait qu’une large proportion de ces coûts - entre 80% à 90% - est liée à des dépenses structurelles, c’est-à-dire aux charges d’amortissement, aux travaux d’entretien et de maintenance, à la modernisation et au fonctionnement du service technique et administratif. Ces dépenses sont indépendantes des volumes d’eau réellement consommés et évacués et sont dès lors difficilement compressibles.

Il faut savoir que dans cette logique, toute baisse de la consommation d'eau potable conduit, du moins à court terme, à une hausse du prix de l’eau vendue aux consommateurs, même si elle entraîne une économie modérée en termes de dépenses effectuées par la collectivité. En effet, une baisse de 10% de la consommation doit nécessairement entraîner une hausse équivalente de l’ordre 10% du prix de vente pour que les autorités communales soient à même de récupérer la totalité des coûts des services liés à l’utilisation de cette eau.

Toutes catégories confondues, les infrastructures de l’eau sont dimensionnées pour une durée de vie moyenne de l’ordre de 50 ans. Il n’est donc pas possible de redimensionner à la baisse les équipements existants du réseau tels que les captages, les stations de traitement d'eau potable, les installations de pompage, les réservoirs de stockage, les conduites d’adduction et de distribution, les égouts de collecte ou les stations d’épuration au gré de la variation à court terme de la consommation en eau.

6.2. Exigence d’une gestion prévisionnelle de l’eau

A long terme, un des leviers essentiels d’une maîtrise de l’évolution du prix de l’eau sera la mise en place d’outils de gestion prévisionnelle de l’eau qui doivent permettre aux opérateurs de rationaliser leurs investissements futurs affectés aux projets de construction ou de renouvellement. En effet, l'amortissement des infrastructures collectives représente à lui seul 40 à 45% du coût de revient de l’eau.

En vue d'une gestion raisonnée des moyens budgétaires, les communes doivent veiller à ce que les mesures envisagées soient fondées sur une nécessité technique et que l’investissement programmé apporte un bénéfice en termes de gestion de la qualité du service offert au citoyen (loi de Pareto : « 20% des moyens permettent d'atteindre 80% des objectifs »)

En plus, pour éviter des variations excessives du prix de vente de l'eau, les gestionnaires des services d’eau doivent prévoir dans leur comptabilité les provisions qui permettent de renouveler en temps utile leurs infrastructures.

6.3. Exigence d’un contrôle de qualité

Pour assurer la longévité des ouvrages, il est crucial que l’exécution des travaux soit rigoureusement soumise à un contrôle de qualité. Il est évident que les travaux bâclés sont immanquablement sanctionnés par une baisse de la durée de vie utile des infrastructures, se soldant par des coûts de réparation parfois énormes pour les communes. Le contrôle de qualité est particulièrement indiqué pour les infrastructures des lotissements qui sont initialement aménagées en domaine privé et qui sont ultérieurement reprises par la commune. On doit malheureusement constater que nombre de ces réseaux souffrent de défauts dus à un manque de rigueur manifeste lors des travaux d'exécution.

6.4. Exigence d’une politique de préservation à long terme des ressources en eau potable

Plus important encore, la maîtrise du coût de revient de l’eau, potable en particulier, passe par une priorité absolue accordée à la protection des ressources en eau. Les communes doivent développer dès à présent une politique de préservation à long terme de leurs ressources en eau potable pour éviter que la dégradation du milieu naturel entraîne une augmentation du coût du traitement de l'eau en vue de l'élimination de substances dangereuses (nitrates, pesticides) et par conséquent une hausse significative de son prix de vente au consommateur. La protection préventive de ces ressources est à concrétiser notamment par la mise en place de zones de protection ainsi que par la mise en œuvre de programmes de coopération avec les auteurs d’activités nuisibles à la qualité des eaux.

6.5. Exigence de rationalisation de la gestion

Finalement, l'opérateur doit rationaliser ses structures administratives et techniques sans pour autant compromettre la qualité de son service. Leur coût représente en effet entre 35 et 40% du coût de revient de l'eau.

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